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SOIREE A 1 FILM - ENTRETOILES

Le 04/12/2024

Dimanche 12 Janvier 2025 à 19H40

 

VINGT DIEUX

 

Réalisé par Louise COURVOISIER - France 2024 1h30mn - avec Clément Faveau, Luna Garret, Mathis Bernard, Dimitry Baudry, Maiwene Barthelemy... Scénario de Louise Courvoisier et Théo Abadie. Festival du Film francophone d’Angoulême 2024 – Grand prix + Prix des étudiants Prix Jean Vigo 2024. 

 

Vingt dieux visuelVingt dieux que ça fait du bien ! Que voilà un premier film réjouissant, frais, solaire, frondeur, généreux – qui sent bon l’étable, la cave d’affinage, l’herbe mouillée des prés après la pluie, et la terre collée au cul des vaches ! Un film qui n’a pas besoin d’un quelconque label, AOP ou AOC, pour porter fièrement son origine rurale, jurassienne en plein, avec ses paysages, sa lumière, son accent, ses coutumes, reconnaissables entre mille – et pourtant d’une universalité certaine, instantanée. Quel pur bonheur que de se laisser griser par l’énergie débordante, vitale, l’inventivité instinctive de Totone pour se sortir du merdier dans lequel il menace de s’enliser – et d’entraîner Claire, sa petite sœur de sept ans.
C’est qu’au départ Totone, du haut de ses 18 balais, est peu attiré par les métiers de la terre. Moins enclin à seconder son paternel pour faire prospérer l’exploitation familiale qu’à courir les bals du canton, boire des bières avec ses potes, se bastonner à l’occasion avec les fortes têtes des villages voisins – et si possible entrainer en aparté une camarade de beuverie. Une vie d’insouciance réglée comme du papier à musique, soigneusement entretenue par les fêtes et l’alcool, dont Totone compte bien profiter aussi longtemps que possible. Mais voilà que le destin, l’alcool (justement), un virage et l’arbre dans lequel s’encastre la voiture de son père vont en décider autrement. Totone n’a pas été préparé à devenir chef de famille, en responsabilité de sa petite sœur et à la tête d’une exploitation comme celle de son père. Sa première réaction est de vendre bêtes et matériel agricole et de tenter de se trouver un petit boulot de garçon de ferme pour subvenir à leurs besoins. Mais tout ça est trop sage, trop lent, trop contraignant et Totone veut gagner des sous, plein et vite. C’est sur ces entrefaites qu’il apprend à la laiterie que le concours du meilleur Comté AOP est doté d’un prix de plusieurs milliers d’euros. Sa fortune est faite ! Certes il n’a plus de lait, certes il n’a jamais réellement appris les techniques ancestrales pour faire du Comté, mais si les paysans du coin y arrivent, pourquoi pas lui ? Vingt dieux est totalement réjouissant. D’abord parce qu’il parvient à décliner un récit d’apprentissage à la moralité incertaine, tour à tour cocasse, haletant, effarant, dans une veine quasi documentaire, dans la beauté des gestes accomplis. C’est que le Comté est une affaire sérieuse, qui comporte moult étapes délicates et ne se satisfait pas du dilettantisme de Totone et de ses Pieds Nickelés de complices. Le chemin du labeur et de la rédemption par nécessité sur lequel ils s’engagent n’est pas sans rappeler celui des jeunes bras cassés écossais de La Part des anges de Ken Loach, qui devenaient des spécialistes du whisky par la même obligation de gagner de quoi vivre.
Le film doit beaucoup de sa force et de son authenticité à la véracité de ses jeunes acteurs, tous évidemment non professionnels et incroyables de naturel. Mais aussi, surtout, à la générosité sincère et au talent éclatant de sa réalisatrice, jurassienne pur jus, qui prend un plaisir communicatif à nous inviter dans sa famille, à la rencontre de ses amis, de ses voisins… Tout ce petit monde chez qui on se sent instantanément à notre aise, à l’heure de l’apéro, autour d’un Comté bien affiné, prêts à jurer comme des charretiers heureux : Vingt dieux ! (Utopia)

 
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