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SOIREE A 1 FILM - ENTRETOILES

Le 20/09/2024

Dimanche 10 Novembre 2024 à 19H30

 

LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE

 

Écrit et réalisé par Mohammad RASOULOF -  Iran 2024 2h46mn VOSTF - avec Missagh Zareh, Soheila Golestani, Setareh Maleki, Mahsa Rostami... Prix spécial du Jury – Festival de Cannes 2024. 

Les graines du figuier sauvage visuel

On n’en démordra pas : c’est bien la Palme d’or – et pas un quelconque prix « spécial » du jury – qu’aurait dû remporter ce film extraordinaire ! Après l’admirable Le Diable n’existe pas (Ours d’or à Berlin en 2020), plaidoyer magnifique contre la peine de mort et lumineuse réflexion sur le libre arbitre et le devoir de désobéir, on attendait avec ferveur et inquiétude ce nouveau film. On craignait, sinon la brutale désillusion, du moins la déception : ce fut un enthousiasme général, instantané. Stupéfiante leçon de cinéma, plongée en apnée de trois trop petites heures, Les Graines du figuier sauvage vous laisse sans voix, pantelant et ravi, en colère et gonflé à bloc. D’une maîtrise et d’une puissance assez inouïes, ce diable de film vous embarque sans coup férir dès les premières images, et déploie, avec une imperceptible économie de moyens, une intrigue à la lisière de la satire familiale, de la chronique politique et du drame romanesque épique. Tout en tension, il confronte ses personnages infiniment et douloureusement humains à la violence sociale et aux soubresauts politiques qui agitent – en temps réel – un pays malade de sa dictature religieuse. Le psychodrame se mue en thriller politique haletant aux faux-airs de polar hollywoodien, transposé dans le décor aride d’un village troglodyte abandonné au milieu du désert…
Iman, à la ville, est un obscur fonctionnaire qui émarge au ministère de la justice. Docile, zélé, raisonnablement efficace, extrêmement prudent, son ambition, modeste, est moins de gravir les échelons pour sa gloriole personnelle que de mettre sa petite famille à l’abri du besoin. Et à l’orée de la cinquantaine, en remerciement de ses états de service, Iman se voit proposer une sacrée promotion : juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran – l’aboutissement d’une carrière. Une formidable nouvelle qu’il se réjouit de fêter en famille. À la maison, Iman est un mari aimant et le père attentionné de deux jeunes filles, Rezvan et Sana, auxquelles il ne veut pas refuser grand chose. Il est certain que sa nouvelle fonction lui impose d’afficher, pour lui et son foyer, une irréprochable moralité. Or, au même moment, monte de la société iranienne une irrépressible vague de protestation, qui jette dans les rues une foule de femmes et d’hommes, affamés de pain et de liberté. Irrépressible ? Voire… la réponse de l’État aux manifestations, immédiate, est d’une rare violence. Rezvan et Sana soutiennent avec force la contestation, au grand désespoir d’Iman, tandis que la mère, Najmeh, tente de ménager les deux camps. Pas gagné, car enfin on se doute bien de ce que recouvre la mission d’un juge d’instruction de tribunal révolutionnaire : juger, condamner et exécuter sans barguigner les ennemis désignés de la révolution islamique. Poste qui exige donc, à défaut ou en plus d’une foi totale dans la dite révolution, une obéissance aveugle et un sens moral strictement délimité. Et on sent bien qu’Iman se fait violence pour coller au portrait. Pressé par son ministère de donner des gages, il durcit malgré tout le ton dans son foyer.
Et c’est sur ces entrefaites qu’il s’aperçoit que son arme de service à disparu ! Dans sa chambre. Alors que la veille il l’a rangée, comme à son habitude. Iman retourne le lit, les tiroirs, rien à faire : le pistolet est introuvable. N’a pu qu’être dérobé. Par quelqu’une de la maisonnée. Sa femme, ses deux filles, trois suspectes, c’est peu. Tandis que la rumeur de la révolte et de sa répression monte de la rue, contourne la censure de la télévision, se donne à voir en vidéos sur les smartphones, Iman enquête fébrilement chez lui et se laisse envahir par la paranoïa.
Interdit de tournage par le régime iranien, déjà emprisonné ou assigné à résidence à plusieurs reprises – et aujourd’hui exilé en Allemagne pour échapper à une peine de huit ans de prison –, Mohammad Rasoulof a tourné Les Graines du figuier sauvage dans une invraisemblable clandestinité. Parmi ses films, c’est celui qui ausculte de la façon la plus frontale la société iranienne et documente son Histoire immédiate. Grand film universel, passionnant, bouleversant, qui milite pour l’humanité toute entière, Les Graines du figuier sauvage – vous reconnaitrez qu’on n’abuse pas du terme – est un chef-d’œuvre. (Utopia)

CINE_CLUB ENTRETOILES

Le 13/09/2024

 

Cinéclub

 

Les mercredi 6, jeudi 7, vendredi 8, lundi 11 et mardi 12 Novembre 2024 à 17H45

QUAND VIENT L'AUTOMNE

 

Écrit et réalisé par François OZON - France 2024 1h42mn - avec Hélène Vincent, Josiane Balasko, Pierre Lottin, Ludivine Sangnier, Sophie Guillemin...

 

Quand vic ent l automne visuel

On va gentiment vers l’automne
La lumière douce et les champignons
Et les filles sont assez mignonnes
En pantalon
Elle est bientôt légère comme une plume
Elle voit ses voyages au passé
Elle en sourit sans amertume
Quand on vient l’embrasser
(Sarclo, Petite chanson d’automne)

Les secrets peuvent détruire des familles entières. Les Labdacides (dont est issu Oedipe) en ont fait une des plus tragiques expériences. Ne pas savoir que l’on a épousé sa mère après avoir tué son père n’augure rien de bon pour ses propres enfants…
Mais les secrets de famille peuvent-ils en sauver ou du moins en reconstruire une ? La question peut paraître saugrenue et même inappropriée face au pouvoir cathartique et libérateur que l’on confère à la vérité, face à la force rédemptrice de l’assomption.

Dans Quand vient l’automne, François Ozon fait un pari audacieux : le mensonge et le silence pourraient être aussi salvateurs que la parole et la vérité. Comme tout pari, c’est risqué, surtout pour les protagonistes du film qui vont devoir tout miser quand le poison des secrets qui coule dans leurs veines devient funeste. Poison, vous avez dit poison ? L’affiche devrait vous mettre sur la voie sans que vous vienne pour autant l’eau à la bouche. Les champignons… S’ils ne sont pas la clef de l’énigme, ils filent une métaphore fongique de la vie : les apparences sont trompeuses, elles peuvent être toxiques mais leur poison peut se révéler bénéfique…

Dans un petit village de Bourgogne, Michelle, retraitée, mène une existence paisible rythmée par les balades en forêt qu’elle fait en compagnie de sa plus vieille amie, Marie-Claude, ou de son petit-fils, Lucas, quand, pour son plus grand bonheur, sa fille Valérie consent à passer quelques jours chez elle avec lui.
Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes : le fils de Marie-Claude est en prison, Valérie traverse un divorce houleux et des turbulences professionnelles, mais c’est peut-être le meilleur des mondes possibles pour Michelle, surtout quand Valérie vient déposer Lucas chez elle pour les vacances de la Toussaint… Lors des repas de famille, tout le monde passe à table, la moutarde monte au nez et les petits plats finissent par donner la nausée surtout lorsqu’ils sont… empoisonnés.
Par deux fois, la mort va frapper à la porte de Michelle. Accident, suicide, mort naturelle, fatalité ? Tout dépend du point de vue. Celui du réalisateur n’est pas celui d’un enquêteur mais plutôt celui d’un complice qui ne donne et ne juge personne, laissant au personnage principal interprété par Hélène Vincent, magistrale, le soin de porter tout le poids de l’histoire. À l’automne de sa vie, peu importe que Michelle glisse ou non la vérité sous un tapis… de feuilles mortes.

Avec Quand vient l’automne, François Ozon rejoue avec maestria et un casting parfait la partition complexe du mensonge et du déni d’un de ses meilleurs films, Sous le sable, à une différence près, et elle est de taille : nous savons que Michelle sait exactement tout ce que s’est passé, dans le présent et dans le passé. Si Michelle semble moins désorientée, moins torturée que Marie (Charlotte Rampling dans Sous le sable), nous sommes, nous, spectatrices, spectateurs, dérangés et totalement fascinées par cette femme qui navigue en eaux troubles tout en gardant le cap, son cap, par-delà bien et mal. Et c’est ce qui fait toute la puissance d’un film aussi paisible et inquiétant qu’un sous-bois.
Vous reprendrez bien un peu de champignons ? (Utopia)

 

 

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